Ce mois-ci, pour ce rendez-vous trouvé chez Ma Lecturothèque et dont le principe est de présenter les premières lignes d’un livre pour éventuellement vous le faire connaitre et vous donner envie de le lire, j’ai choisi de vous présenter Rouille de Floriane Soulas, qui est également ma lecture en cours.
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Violante observait son reflet, éclaté dans les dizaines de miroirs qui tapissaient les murs et le plafond de la chambre. Elle aimait cet après les passes où, tant que personne ne parlait, il était encore possible d’oublier qu’elle venait d’ouvrir les cuisses pour une heure de plaisir à prix d’or. Elle savoura ce répit et le silence qui régnait dans la petite chambre, inspira lentement les odeurs de sueur et de parfum bon marché. Ses cheveux catins dénoués qui lui chatouillaient le creux de la gorge. Des jetons cliquetèrent en tombant dans un bol de fer forgé posé près de la porte d’entrée, et le temps repris sa course. La jeune fille poussa un soupir discret pour contenir sa frustration. Elle ramena la drap sur sa poitrine menue et frissonnante.
– Y’a pas à dire, t’es vraiment la meilleure putain de toute cette foutue ville, rigola l’homme en reboutonnant son pantalon.
– Je suis également la plus chère.
– Tu vaux bien ton prix.
L’homme s’avance vers la prostituée et lui saisit la nuque à pleine main pour mieux l’attirer à lui. Violante retint sa respiration quand l’haleine aviné de son client lui fouetta le visage. Elle posa un bras sur son torse tandis qu’il écrasait sa bouche contre la sienne et lui crachait un gémissement de douleur. La jeune fille sortit les dents et mordit la langue qui fouillait s ouche avant de se rejeter en arrière, rompant l’étreinte.
– Hé ! Je ne suis pas une de tes souris de trottoir , Angus ! s’exclama-t-elle en massant sa nuque douloureuse. Tu rajouteras un jeton pour ça.
– Et dangereuse avec ça, marmonna l’homme en essuyant d’un revers de main le mince filet de sang à la commissure de ses lèvres.
– Tu sais ce qu’il dit, chaton : « Quand tombe la nuit, choisis bien ta souris. »
Violante s’extirpa du lit et attrapa sa robe qui trainait au sol. Les bras chargés de vêtements, sous le regard lubrique de son client, elle se dirigea vers le petit paravent qui cachait un nécessaire de toilette. Elle se nettoya et se rhabilla prestement, grimaça de douleur lorsque la prothèse qui prolongeait son auriculaire mutilé se prit dans un accro de son jupon. Alors qu’Angus la regardait d’un air lubriques elle tira u. cordon qui pendait près de la porte. Quelques secondes plus tard, on frappait doucement. Violante alla ouvrir et un automate grinçant en tablier blanc déposa sur le guéridon un plateau où trônaient une bouteille de whisky à moitié vide et un verre, avant de disparaître en silence. Elle lui emboîta le pas, raflant au passage les jetons contenus dans la petite coupelle. An-vant de referme la porte, elle se retourna une dernière fois vers le marin et lui lançant avec un sourire qui ne montait pas jusqu’a ses yeux: « Cadeau de la maison. » Celui-ci la salua en portant le pince à son front et elle claqua la porte.
(…)
Elle n’avait rien à faire ici, tout son corps le lui hurlait. Chaque jour, chaque caresse des hommes, chaque sourire d’envie qu’on lui adressait la révoltait. Sa place n’était pas dans un bordel. Mais seule et sans mémoire, sans preuve pour attester de ce que son instinct seul savait, elle restait la prisonnière de Madeleine.
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Par Sophie.
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