Premières Lignes #5

Coucou tout le monde ! Premier article du mois de juillet (le bilan ne compte pas :p) dans lequel je vous propose de découvrir les premières lignes de ma future lecture : Confessions d’un automate mangeur d’opium de Fabrice Colin et Mathieu Gaborit. Ce livre me faisait de l’oeil depuis des mois sur les étagères des librairies donc quand une amie me l’a offert à mon anniversaire très très en retard, je ne pouvais que l’ajouter au dessus de ma PAL ! Pour rappel, ce rendez-vous initié par Ma Lecturothèque consiste à vous présenter les premières lignes d’une de nos lectures. En théorie, c’est un rendez-vous hebdomadaire mais je triche un peu et le fait mensuel. Je vous mettrais en bas la liste des blogs qui suivent ce rendez-vous ! 🙂

***

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PROLOGUE

« Du fond de l’âme. Une confession du fond de l’âme afin de libérer ces démons qui rongent mon crâne. Les vomir, les arracher à mon cœur. Je veux… je veux être semblable à cet homme, là, juste devant moi qui boit son café du bout des lèvres. Ou à cet autre qui vient d’entrer, le front en sueur d’avoir marché sous le soleil. Oh ! qui suis-je à présent pour me comparer à ceux qui furent mes semblables ? Un sang noir ruisselle entre mes doigts, des voix impies murmurent sous mon crâne… Seigneur, que suis-je devenu ? Je ne guette pas votre miséricorde, ni même votre pitié. C’est un fait : je suis digne de siéger au côté du diable et de devenir son confesseur. Mais, pour l’heure, je n’ai pas encore longé les rives du Styx.
J’écris dans l’arrière-salle d’une taverne, sur le port. Une pièce qui sent la poussière, l’anis et l’oubli. La vie est loin, loin ces visages qui trahissent ma démence. Je suis épuisé ; j’ai peur. Peur que l’on découvre la lueur qui brûle dans mon regard, peur de céder aux visions qui m’assaillent lorsque je m’abandonne au sommeil. On me recherche, c’est certain : les navires sont surveillés par l’armée, qui contrôle passagers et marchandises.
Je me cache par amour de la vérité, pour empêcher qu’elle ne soit étouffée et, avec elle, les cris de mes victimes. Il m’a fallu toute la fermeté du monde pour obtenir ce manteau crasseux qui masque mon uniforme. Je l’ai troqué contre une montre de gousset, un bel objet que je tenais de ma mère. Se peut-il qu’elle me voie, qu’elle connaisse mon fardeau ? Non, non, je suis seul, échoué dans un petit port cambodgien, pointé du doigt par un empire assassin.
Combien de jours ai-je erré dans la jungle ? Trois ou quatre, cinq peut-être. J’ai couru des heures, jusqu’à ce que l’écho de leurs râles s’éteigne et consente à me laisser en paix. Sombre illusion… Le remord m’habite : en hôte noir et ricanant, il ressasse ce cauchemar dont j’ai été l’instigateur. Toi, armée d’Angleterre, je te maudis. Je maudis ton uniforme et les crimes que tu légitimes. J’ai tenu ton serpent d’acier dans une main, j’ai fouillé le cœur des innocents avec cette longue baïonnette qui te sert de langue… Je suis un assassin.
Seigneur, étais-je conscient ? Je garde le souvenir d’une fièvre aveugle, de démons qui irriguaient mes veines et commandaient mes crimes. Quelque chose s’est emparé de moi et m’a transformé. Pourquoi ai-je choisi de m’engager ? Pour la solde ? Pour ces vagues promesses d’un voyage aux confins du monde ?
Lorsque le capitaine Ferding m’a demandé de le suivre, j’ai obéi, par devoir envers des idéaux que j’avais l’ambition de servir. Je me souviens de ce repas que nous partageâmes à l’écart, la veille au soir. Les yeux fiévreux, Ferding m’a avoué la vérité, ce pour quoi cette expédition avait été montée. J’ai d’abord refusé de le croire mais, mû par une dévorante curiosité, j’ai accepté de réunir lanternes et cordes qui nous permettraient de descendre dans le tombeau des rois-dieux. L’autorité du capitaine a fait merveille pour écarter les sentinelles. Peu après minuit, nous nous sommes engouffrés dans le premier escalier puis dans les boyaux qui couraient sous la terre humide. Je puis encore sentir cette odeur suffocante qui régnait dans le tombeau. Et ces visages ! ces faciès sculptés dans le granit qui épiaient notre course ! À vouloir revivre la scène, à essayer de comprendre à quel moment je perdis conscience de mes actes, j’ai acquis la certitude que les sortilèges du tombeau agirent bien avant que nous ouvrions les caisses.
Dix. Nous en comptâmes dix, parfaitement alignées dans une grotte où les officiers avaient visiblement procédé à des exorcismes. Du moins Ferding le prétendit-il en me montrant les figures ésotériques gravées sur les ferrures de plomb, m’affirmant d’une voix étranglée qu’elles étaient l’œuvre de plusieurs de nos officiers ayant séjourné en Inde. Maîtres de nous-mêmes, nous n’aurions jamais entrepris de fracturer ces caisses maudites. Pourtant, oui pourtant, nous le fîmes sans la moindre hésitation, sans présager de ce qu’elles pouvaient contenir, de ce qu’elles pouvaient libérer. J’ignore ce qu’il advint lorsqu’elles s’ouvrirent. Il ne me reste qu’une image : celle du capitaine brandissant son pied-de-biche, le visage déformé par un rictus de démence.
Les minutes, les heures qui suivirent notre folie, je n’ose les affronter, même en souvenir. J’ai tué, drapé dans cet uniforme de la Nouvelle-Galles – l’habit de la honte, taché du sang des miens et de ces Français qu’un terrible hasard mena jusqu’à nous.
Où puis-je aller, maintenant ? Il me reste un billet de dix livres, de quoi acheter mon passage vers Calcutta. Et ensuite ? Je n’entends pas vivre ici. J’ai un ami en France, un ami précieux qui aura le courage de m’accueillir et de me protéger. Du moins je l’espère. Car vers qui d’autre me tourner ? J’ai tant besoin d’un regard où lire un peu de compassion. À défaut d’oublier, peut-être pourrais-je expier mes fautes par la poésie. Oh, Calliope, Calliope ! bientôt, les démons qui ont fait de moi un bourreau surgiront de nouveau. Si je parviens à échapper aux soldats et à embarquer pour la France, qu’adviendra-t-il ? Au seuil de cette autre vie, je ne crains plus le jugement de Dieu mais celui des hommes. »

***

La liste promise ! 🙂 Elle provient du site de Ma Lecturothèque qui l’actualise toutes les semaines.

La Chambre rose et noire
Songes d’une Walkyrie
Au baz’art des mots
Light & Smell
Chronicroqueuse de livres
Les livres de Rose
Les livres de George
La couleur des mots
La Booktillaise
Lectrice assidue en devenir
Au détour d’un livre
Lady Butterfly & Co
Le monde enchanté de mes lectures
Cœur d’encre
Les tribulations de Coco
Bettie Rose Books
La vie page à page…
Les livres de Noémie
La Voleuse de Marque-pages
Le Monde de Callistta
Le chemin des livres
Vie quotidienne de Flaure
Les mots de Junko
Sheona & books
Ladiescolocblog
A Blue Feather Blog
Ma petite médiathèque
Hubris Libris
Le temps de la lecture
Libris Revelio
I believe in pixie dust
Selene raconte
Les lectures d’Angélique
Aliehobbies
Pousse de gingko
Rattus Bibliotecus
Envie de lire
Ma Lecturothèque


16 réflexions sur “Premières Lignes #5

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